1.2 Un moyen d’expression

« Pour moi le monde de la mode peut être une porte pour l’expression artistique de certains et leur permettre de montrer leur vision du monde « (Anonyme numéro trente cinq).

Nous allons voir que la mode, aujourd’hui, peut être un moyen d’expression pour certains.

On peut considérer que la majorité des jeunes se servent des tendances pour constituer l’image qu’ils veulent montrer d’eux-mêmes. Voir même manipuler leur image de façon à modifier la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et qu’ils renvoient aux autres.

« Je ne veux pas me faire remarquer par mes vêtements »

Mais comme nous avons pu précédemment l’observer les tendances peuvent aussi être un marqueur social. Elles jouent donc un rôle majeur dans l’adolescence et le passage à l’âge adulte. On remarque ainsi chez les jeunes une forte volonté identitaire. Volonté de se démarquer des adultes, forte envie d’appartenir à un groupe social défini par peur du rejet, ou au contraire envie de se différencier d’un groupe, les raisons peuvent être variées.

Une grande partie des tendances sont apparus entre les années 1960 avec les débuts de l’émancipation de la femme, et les années 1990, où se développe alors les chouchous, les crop top et les pantalons taille haute. Ces tendances entrainèrent alors dans leur sillon des groupes symbolisé par un style vestimentaire. Les hippies dans les années 80, les gothiques dans les années 70 …

Nous noterons d’ailleurs que de nouveau les vêtements d’influence hippie sont de nouveau portés de nos jours par un grand nombre de jeunes.

On voit ainsi que les eighties marquent par leurs vêtements fluorescents, autant que par leurs maquillages criards. C’est aussi le point culminant des motifs plus extravagants les uns que les autres.

De nos jours, comme c’était déjà le cas il y a 30 ans la jeunesse est constamment en quête d’identité. Cependant est-il vrai de dire que nous avons toute la liberté de construire notre identité vestimentaire si même depuis notre plus jeune âge nous sommes confrontés à l’influence des films et des séries ?

L’influence d’un film sur une génération bien spécifique est facilement observable. Prenons l’exemple de Mean Girls (2003) de son titre français : Lolita Malgré Moi. Ce film a eu un impact considérable sur la génération des années 90 bien que par certains aspects il continue encore de nous influencer. Ce film permettra de populariser davantage le survêtement en velours ou encore les T-shirts à slogan (mais aussi les minis-jupes plissées et à motifs.

Dans notre propre sondage, proposé anonymement à l’ensemble du collège et du lycée Saint Magloire, des classes de la troisième à la terminale.

36% seulement affirment que la tendance n’influe par sur leur style. Il reste donc 64 % d’élèves influencés par les tendances.

Mais quelles sont-elles alors ?

« la mode c’est ce qui se démode» Jean Cocteau

Par cette citation Jean Cocteau montre bien que ce qui est tendance n’est que, ce qui plus tard, sera démodé. Créant un cycle de renouvellement de la mode pour en revenir à son point de départ. On le voit par exemple avec les « Stan Smith ». Cette paire de baskets est apparue en 1971 et sa production a été arrêter en 2011, néanmoins la fameuse paire de baskets blanches et verte revient en 2014, et devient par la même occasion comme un « indispensable ». La tendance serait-elle un éternel recommencement uniquement dicté par les marques ?

Et bien non, les marques ne sont plus les seules à lancer la tendance et -parfois- modifier la perception du monde qu’à autrui. En effet les réseaux sociaux et les « influenceurs » peuvent aussi avoir un impact sur l’utilisateur de ces réseaux et plus largement sur les consommateurs. C’est en effet 75% des internautes qui auraient effectué un achat après avoir lu un contenu publié par un influenceur. Ainsi la jeunesse d’aujourd’hui connaît un nouvel essor: une volonté net de la jeunesse à vouloir se démarquer et se faire remarquer, s’affirmer devient le leitmotive.

Les hommes se maquillent, les femmes portent des tailleurs pantalons larges. Nous sommes bien loin des images de la femme en robe, ou de l’homme hyper viril. C’est une jeunesse moins marquée par les genre et donc plus axée sur l’ouverture d’esprit qui s’exprime depuis peu. Et cela passe aussi et avant tout par nos habits et notre apparences.

Youtubeur Américain: Jeffree Star

Les hommes se maquilleraient aussi mais depuis quand ?
Et bien depuis un peu plus longtemps qu’on ne le pensait. Déjà au 18ème siècle Louis XVI utilisait du fond de teint. Et les égyptiens se maquillaient eux aussi. C’était une pratique quotidienne pour les femmes, les hommes, et les enfants. C’est d’ailleurs dans leur sépulture que plusieurs « nécessaires de maquillage » ont été retrouvé, nous pouvons entre autre cité le khôl ou les fards à paupière.

Mais plus récemment le maquillage chez les hommes a été popularisé à travers le monde avec des médias plus directs. Comme par exemple les shows télévisé, notamment aux États-Unis, nous pouvons citer l’émission « Rupaul Drag Race » qui à pour but final d’élire la meilleure drag queen américaine. Où en Europe les plateformes de partage de contenus comme Youtube qui permette l’expression de chacun et donc la mouvance de certaines normes.

Mais le monde de la mode de la mode est-il vraiment un moyen d’expression ?

Nous avons demandé à tous les participants de notre sondage si ils considéraient le monde de la mode comme un moyen d’expression.

Deux réponses ce sont alors présentées l’une affirmant que: << Cela peut relever de certains mouvements idéologiques >> (anonyme numéro seize) Cette idée appuie donc le fait que la mode est bien un moyen d’expression pour les jeunes.

On remarque ici que le vêtement n’est pas juste un moyen de s’habiller, il va au-delà de sa fonction première. Il a une valeur sociale, culturel voir même « idéologique ». C’est le cas pour les « Brigate Nere », une organisation paramilitaire nazie et fasciste dans l’Italie de 1943 dont les partisans étaient reconnaissable par le port de chemises noires boutonnées très haut.

Dans une moindre mesure les bikers eux aussi se distinguent par le port de veste en cuir noires.

D’autre jeunes pensent à contrario que cela ne puisse pas être qualifié: <<d’art expressif >> (anonyme numéro trente-sept).

On peut alors scindé la population en deux grandes catégories comme la fait précédemment Roland Barthes dans un article intitulé «Histoire et sociologie du vêtement » paru en 1957.
Roland Barthes est un philosophe, critique littéraire, sémiologue (étude des signes linguistiques à la fois verbaux et non verbaux), et professeur de français.

Il déplore l’absence de réflexion qu’il y a lorsque l’on choisi un vêtement plutôt qu’un autre. Roland Barthes en vient donc a placé tout à chacun dans deux catégories distinctes. Le vêtement et le costume. La nuance ne se fait pas forcément de façon aisée. Il évoque le costume comme un habillement formaté, une norme collective. Alors qu’il dépeint le vêtement comme un choix individuelle, une prise de décisions personnelle.

 » Le vêtement est l’un de ces objets de communication, comme la nourriture, les gestes, les comportements, la conversation, que j’ai toujours eu une joie profonde à interroger parce que, d’une part, ils possèdent une existence quotidienne et représentent pour moi une possibilité de connaissance de moi-même au niveau le plus immédiat […] d’autre part, ils possèdent une existence intellectuelle  » Roland Barthes, 1967.

Ainsi les vêtements serviraient de marqueur social. Piacentinoi et Mailer l’élude dans leur étude intitulée « Symbolic consumption in teenagers’ clothing choices » parue en 2004.

« Les vêtements agissent en tant que signaux, le porteur est semblable à d’autres personnes qui portent des vêtements semblables »

Porter les mêmes vêtements aurait comme effet de créer une uniformité et une homogénéité des comportements, des attitudes, dans un groupe au style vestimentaire précis voir différent du reste de la société.

Nous pouvons illustrer cette idée avec, par exemple, le mouvement punk né dans la fin des années 1970 et au début des années 1980.

Ce mouvement dont Londres est le berceau, utilise son rejet des codes vestimentaires de la société pour exprimer une idée plus profonde. Déjà de part leur nom puisque punk en anglais signifie « voyou », ne serait-ce que dans leur appellation ils semblent en marge de la société. Leurs revendications sont nombreuses mais proviennent principalement de la crise économique des années 1980 qui crée un profond mal-être social.

Ils recherchent ainsi, à défendre des valeurs de liberté nées après la seconde guerre mondiale dans les années 50 mais en opposition aux hippies ils prônent aussi le refus du système en place dans la violence et la douleur, voir l’anarchie. Ils évoquent aussi régulièrement l’autodestruction, l’anticapitalisme, le désordre, la liberté individuelle totale …

C’est donc bel et bien une idéologie controversée qui transparait à travers leur style vestimentaire, être en marge de la mode pour être en marge de l’opinion publique.

Ce mouvement est vaste car il s’étend aussi à la musique avec le « punk rock ». Les punks deviennent alors rapidement, l’emblème de toute une génération. Avec comme tête de file de nombreux groupes musicaux tel que « The Sex Pistols » ou « The Clash ».

Mais ce mouvement, presque éteint, conduit à la création d’autres styles. Entre autre le grunge créé par Nirvana, qui intitulera son deuxième album « Nervermind » en hommage à un album des Sex Pistols. Plus récemment on peut citer des groupes de musique grunge tels que Green Day ou Offspring.

Pochette de l’album: « Nevermind » de Nirvana, 1991

Une nouvelle fois, avant d’être un style vestimentaire c’est une idéologie qui est diffusée par ces jeunes en quête d’identité qui se confrontent à des problèmes de société encore actuels tels que: le chômage, la précarité, le refus des responsabilités d’adultes, le refus de la morale …

Ce pessimisme et cette lutte sociale transparait dans leurs vêtements, particulièrement quand ils détournent les tenues d’ouvriers de Seattle, dont ce mouvement est originaire. Le grunge devient une « anti-mode », ils luttent entre autre contre le luxe et le culte de l’apparence pour ce faire les looks grunges sont fait de vêtements usagés (jeans troués, baskets usées, pulls décousus…). Dans leur lutte contre le consumérisme ils achètent leurs vêtements le plus souvent en friperies.

Aujourd’hui encore l’élite intellectuelle tend à critiquer ce style vestimentaire. Lorsque Marc Jacobs, qui est une marque de luxe, reprend les codes grunges pour sa première collection printemps-été 1993, le New York Times écrit: « C’est n’importe quoi ». Nous pouvons alors nous demander si ce n’est pas plus l’idéologie défendue par le style que le style lui-même qui est critiqué ici. Ce qui tendrait à dire qu’un style vestimentaire peut donc être porteur d’un message collectif très fort et pas seulement d’une identité individuelle propre à chacun, voir superficielle. Le mouvement Punk et ceux qui en découle marquent donc les esprits en refusant les normes et les conventions aussi bien de la mode que de la société.

Dans une seconde étude, publiée par la revue Sex Roles, c’est le rôle de la tenue vestimentaire des femmes dans le monde du travail qui a été analysée. Des photos de femmes étaient présentées à 129 participantes.

Les photos étaient très similaires, avec pour unique différence la longueur de la jupe et le nombre de boutons défaits du chemisier. Il est important de noter que ces ajustements étaient mineurs et les tenues restaient relativement conservatives.

Il était attribué aux femmes sur les photos un rôle dans l’entreprise, allant de la cadre supérieure à la réceptionniste et les photos étaient présentées 5 secondes aux participantes qui devaient alors exprimer leur jugement sur six compétences : l’intelligence, la confiance en soi, la fiabilité, la responsabilité, l’autorité et la capacité d’organisation.

Les femmes présentées comme des cadres supérieures étaient jugées plus durement et moins favorablement lorsqu’elles portaient des tenues considérées plus « provocatrices », alors que l’étude précise bien qu’il s’agissait de jupe s’arrêtant à peine plus haut que le genou. Les femmes présentées comme des réceptionnistes, elles, étaient jugées avec plus de laxisme. Leur tenue n’avait aucun impact sur le jugement porté par les participantes sur leurs compétences.

On voit ici qu’il existe encore des préjugés tenaces et forts qui créerais un lien infondés et d’un autre temps entre les compétences professionnelles d’une femme et sa tenue, tenue qui dans cette étude reste conventionnelle.

On peut donc en déduire que certains emplois offrent une plus grande flexibilité vestimentaire, notamment les plus qualifiés. Ainsi des changements, aussi minimes soient-ils, peuvent engendrer ou contribuer à transmettre une image négative pour les femmes qui détiennent un poste à responsabilité dans l’entreprise. La tenue pourrait donc même être un facteur de refus pour un employeur vis-à-vis d’une femme.

En avril 2015 quatre chercheurs on fait paraître une étude dans le magazine Sage. Elle visait à déterminer l’influence de la tenue vestimentaire sur le comportement.

Les quatre chercheurs ont effectué une série de tests. Dans la première phase, les participants, qui étaient tous des étudiants, ne recevaient aucune instruction préalable sur leurs vêtements. Ils étaient ensuite invités à noter la formalité de leur tenue, avant de passer une autre batterie de test visant à déterminer si leur pensée tendait à être concrète ou abstraite.

La pensée concrète étant celle à court terme, qui ne se représente que le futur proche. Tandis que la pensée abstraite, elle, permet de faire des projets dans le long terme, de se projeter dans un futur plus lointain. La pensée abstraite requiert donc une plus haute exigence intellectuelle.

Dans la seconde phase, un groupe recevait la consigne de venir habiller de manière formelle tandis que l’autre devait s’habiller avec une tenue de tous les jours.

On leur a ensuite fait faire des tests de réflexions. Il est apparu que le premier groupe développait une pensée abstraite, sur une plus longue durée leur permettant de plus se projeter dans le futur. Tandis que ceux qui portaient une tenue plus « décontractée » développait, eux, une pensée concrète.

Cela a permis aux chercheurs d’établir un lien entre la tenue que l’on porte et le type de pensée que notre système cognitif adopte. Elle a permis de montrer que porter une tenue « formelle », comme un costume ou une cravate, favorise la pensée plus développée. Tandis que les tenues « quotidiennes » nous poussent à avoir des raisonnements plus simples.

Une autre étude, similaire, a été conduite par des chercheurs des Universités de New York et de Noryhridge. Celle-ci a été intitulée « The Cognitive of Formal Clothing ». Cette étude a prouvé que les hommes qui portent une tenue dite plus « formelle », comme un costume ou une cravate par exemple, acquiert une capacité de pensée abstraite plus développée. A contrario les tenus plus « décontractées » favoriseraient une pensée plus concrète.

Pour bien comprendre les enjeux de cette étude il faut définir la pensée abstraite et la pensée concrète. La pensée abstraite est celle qui permet de prendre du recul, de réaliser des projets et des objectifs sur le long terme. Elle s’oppose à la pensée concrète. Celle-ci s’exécute sur un plus court terme, et se focalise sur des évènements immédiats ou dans un futur proche. Elle se focalise sur les bénéfices immédiats.

On voit ici que s’habiller à une réelle incidence sur notre comportement et même notre perception de la vie, puisque les vêtements ont un impact sur notre pensée et donc sur nos actes.

On en vient donc au concept d’embodiment. Ce concept englobe la manière dont notre apparence influent sur nos pensées, nos sentiments et nos comportements en général. Ce phénomène apparaît dans la vie quotidienne.

On peut le voir par exemple dans notre entourage. Nos proches et nous-mêmes agissent, parlent et se tiennent différemment en fonction de leur tenues, et de leur niveau de formalités.

Mais on peut aussi observer cette théorie lorsque nous sommes anxieux. En effet nous irons plus vers des vêtements qui nous « rassure », nous « donne confiance ». C’est le lien entre nos émotions, notre confiance, et notre tenue.

Une autre étude a été menée par la professeur Karen Pine de l’université d’Hertfordshire. Elle a demandé à ses étudiants de porter, d’une part, des T-shirts « classique » et de l’autre des T-shirts de super-héros. Suite à cela elle a démontré que les personnes portant un T-shirt de super-héros étaient plus confiantes, et se trouvaient plus sympathique et plus fortes physiquement que les personne portant un T-shirt classique.

Nous pouvons voir que les vêtements et le style n’ont pas seulement une fonction utilitaire. Mais qu’ils peuvent aussi avoir une portée plus profonde, qu’ils peuvent transmettre un message ou une idéologie. Mais ceux-ci peuvent aussi influer sur nos actes et notre façon de vivre et d’appréhender le quotidien sous un autre angle. On peut en conclure que les vêtements sont un moyen d’expression fort, et à part entière.