2.2 Une pression sociale ?

<< Cette identification peut se faire par le biais d’un style vestimentaire donné qui leur permettent de faire partie d’un groupe identifiable.>>

Comme nous l’avons vu auparavant changer de vêtements ou de style peu être une façon de changer la perception que les autres ont de nous, l’image que l’on veut renvoyer.

Une étude sur ce fait a été présenté et exécuté sur plus de trois cents participants. Deux photos d’hommes étaient présentées durant trois secondes. Les deux hommes présentaient une seule différence: le type de costume qu’ils portaient. Le premier portait un costume sur mesure alors que le second homme portait un costume presque similaire mais provenant d’un grand magasin. Après cette exposition de trois secondes, les personnes interrogées jugeaient les deux hommes. Néanmoins il est important de préciser que les deux sujets n’étaient pas jugés sur leur apparence physique ou leur tenue vestimentaire. Le jugement des gens allait au-delà de la tenue vestimentaire, puisque les personnes interrogées associent un trait de caractère à une tenue.

L’homme en costume sur mesure était perçu comme plus confiant, ayant mieux réussi sa vie, étant plus flexible, et percevant des revenus plus élevés que l’homme portant un costume d’une grande chaîne. Le seul facteur différenciant les deux hommes était pourtant leur costume.

On peut donc en conclure que les impressions sur ces deux hommes étaient fondées sur une brève observation de ce que les deux sujets portaient. Pourtant celles-ci ne reposaient sur rien de concret, les personnes interrogées n’avaient pas connaissance des études des deux hommes, ou encore de leur classe sociale. Nos vêtements en disent donc beaucoup sur nous et renvoient des signaux socialement importants qui peuvent avoir un impact direct sur notre vie.

Durant l’adolescence tout le monde est confronté à la socialisation. C’est un apprentissage qui passe par plusieurs mécanismes. Par exemple celui de renforcement, d’imitation ou d’interaction avec les autres. Il y a, en conséquence, plusieurs agents de socialisation.

Moschis, de la Georgia State University, les a répertoriés en 1985 dans une étude appelée « Consumer Socialization: Origins, Trends and Directions for Future Research ». George Moschi y explique par exemple que le jeune consommateur est influencé par les médias, sa famille, et ses pairs.

L’étude de l’influence qu’on ces facteurs sur les jeunes consommateurs peut être prédominante pour comprendre les motifs de choix notamment lorsqu’il s’agit des styles vestimentaires.

Le rôle de la famille sur le consommateur peut ainsi être pris en compte, puisque la famille est la première forme de socialisation d’un sujet. L’avis de la famille sur un adolescent ou jeune adulte, peut, par conséquent, avoir un réel impact sur sa façon de s’habiller.

Par exemple l’étude de Mascarenhas et Higby « Peer, parent, and media influences in teen apparel shopping » paru en 1993, ou celle de Koester et May « Clothing Purchase Practices Of Adolescents », en 1985 mettent toutes les deux en lumière le fait que les adolescents interagissent activement avec leurs proches, ou leurs parents, pour l’achat de vêtements.

Mais l’influence des pairs peut aussi être évoquée. La fréquence de communication avec les pairs permet de créer un lien, direct, entre certains comportements de consommation et les motivations « cachées » de cette consommation, comme le démontre Moschis et Churchill dans leur étude « Consumer Socialization: A Theoretical and Empirical Analysis », de 1978. Le groupe de pairs à aussi une incidence sur la notoriété d’une marque ou d’une autre et sur la préférence d’un produit plutôt qu’un autre. C’est de cette manière que l’énonce, les auteurs venant tous trois de la Georgia State University: Moschis, Moore et Stanley, en 1984 dans « An Exploratory Study Brand Loyalty Development ».

Il est établi que l’acceptation des pairs possède un extrême importance au cours de l’adolescence. Les groupes de pairs sont souvent formés de manière informelle, mais ils sont aussi fréquemment basés sur l’apparence vestimentaire et sur d’autre facteurs en lien avec l’apparence, tel que le présente MacGillivray et Wilson dans « Clothing and Appearance among Early, Middle and Late Adolescents » en 1997.

Les vêtements sont donc utilisés pour « marquer » un individu dans un groupe social, pour le « ranger ». Ainsi les adolescents et les jeunes adultes s’assurent de porter un habillement qui est socialement accepté. Non seulement par leurs pairs, mais aussi dans la communauté la plus large possible, afin d’être accepté par le plus grand nombre et pas simplement par leur groupe d’amis proches. Piacentini et Mailer l’expliquent d’ailleurs en 2004 dans « Symbolic consumption in teenagers’ clothing choices » l’influence des pairs se concrétisent donc par un mode vestimentaire bien précis et adapté à une certaine catégorie d’âge.

Ce qui explique pourquoi, au long d’une vie, on tend à changer plusieurs fois de style. Une première fois lorsque nos parents cessent de nous habiller, puis lorsque l’envie de s’affirmer se présente durant l’adolescence, enfin au passage à l’âge adulte.

Ce fait est avéré chez les adolescents. En effet ceux-ci se trouvent en pleine construction identitaire. Leur identité va se construire au travers de ce qu’ils vont vouloir être ou représenter mais pas seulement. La personnalité, réelle et durable, de tout à chacun est aussi définie par notre altérité, donc notre différence avec les autres.

<< Une collection d’individus qui se perçoivent comme membres d’une même catégorie, qui attachent une certaine valeur émotionnelle à cette définition d’eux-mêmes >> Tajfel et Turner (1979, 1986)

Pour mieux comprendre ce qu’il se passe chez les adolescents, et plus particulièrement le fait qu’ils s’identifient de façon volontaire et consciente à un groupe vestimentaire donné, il est possible de s’appuyer sur la « Théorie de l’Identité Sociale » de Tajfel et Turner paru en 1979. Ils éludent parfaitement cette question en écrivant: << Lorsque l’identité sociale est insatisfaisante, les personnes tentent soit de quitter leur groupe pour rejoindre plus valorisé, soit de rendre leur groupe actuel plus positivement différent.>> On voit ici que le groupe social auquel l’adolescent appartient n’est pas fixe, mais bien en constant mouvement et renouvèlement.

À la manière d’une chaîne alimentaire inconsciente les sujets tentent constamment de faire partie du groupe ayant à la fois le plus de « pouvoir » et « d’influence » et en même temps celui qui leur correspondra le mieux. On entre ici dans la seconde partie de la citation. Il n’est plus question de quitter le groupe mais de le modifier de manière à devenir une meilleure version du dit groupe.

Nous avons proposé un questionnaire anonyme aux élèves du collège lycée Saint Magloire, en Bretagne, et en est ressortie, entre autre, cette réponse:

« J’aime mon style et je m’en fiche des regard des autres » (anonyme numéro trente-huit)

L’adolescence est bien souvent le moment où tout le monde se cherche. Les adolescents deviennent adultes et nous devons alors choisir sous quelle forme nous voulons nous présenter au monde. Et cela peut notamment passer par nos vêtements, nos chaussures, notre maquillage…

La plupart des gens que nous interrogeons définissent leur style comme « banal« , « simple« , »passe-partout« .

Mais pourquoi une telle volonté de se fondre dans la masse chez les adolescents ? Quête d’identité difficile ou restrictions vestimentaires ?

Des personnes interrogées sont ressortie quelques personnes, expliquant leur volonté de se démarquer du reste de leur camarades. Par exemple la personne interrogée numéro 3, une fille de 14 ans nous a décrit son style comme : « Original, je n’aime pas porter des vêtements de marque sauf des chaussures. Cela ne me représente pas du tout. Je n’aime pas être comme tout le monde. »

Et ce n’est pas la seule à montrer une envie d’assumer son style. En dehors du cadre scolaire de plus en plus de jeunes personnalité émerges avec des styles tout aussi différents les uns des autres. Certains se définissent comme « androgyne » d’autres affirment faire varier leur style entre le « punk ou hippie« .

Style Androgyne

Les vêtements ont donc une importance considérable. Ils ne sont pas seulement utiles. Ils définissent les différents aspects de la personnalité de l’individu les portant comme le montre l’étude de Piacentini et Mailer faite en 2004 appelée « Symbolic consumption in teenagers’ clothing choices ».

Ici il y a donc bien une pression sociale exercé par le groupe, infime et inconsciente, mais tout de même présente. Tout le monde est donc, une fois adolescent, soumis à différentes pressions. Nous l’avons vu au travers des nombreuses études citées, les adolescents et les jeunes adultes sont, durant le processus de leur construction identitaire, fortement influencé par leur famille et leur proche. Ce qui permet ainsi d’évoluer dans un certain ordre et dans un certain sens, provoquant une sorte « d’homogénéité » dans la jeunesse d’aujourd’hui voir même parfois le sentiment d’une « uniformisation ». Cela va plus loin que l’apparence puisque bien souvent ces groupes sociaux vont aussi inculquer leurs normes et valeurs chez les jeunes.

Malgré tout nous pouvons aussi constater une pluralité des styles vestimentaires dans la jeunesse actuelle. Et ce du hippie au punk en passant par le simple « jeans, t-shirt ». Mais ce n’est pas forcément le signe d’une liberté de style totale puisqu’il est possible qu’en dehors des restrictions vestimentaires déjà présentes, les jeunes s’en inflige aussi à eux-mêmes. Cependant ils demeurent toujours une minorité qui choisit de se démarquer de la société, de se mettre en marge de celle-ci.